TTF et Scope 3 : La réponse au greenwashing du secteur financier

Introduction : Réaligner la Finance sur le Climat

La transition vers une économie neutre en carbone exige des milliers de milliards de dollars d'investissements annuels, un gouffre que les mécanismes actuels ne parviennent pas à combler. Dans ce contexte, la Taxe sur les Transactions Financières (TTF) est souvent évoquée, mais les débats s'enlisent dans des controverses sur son impact économique.  

Cet article propose une thèse radicalement différente : une TTF universelle, conçue non pas comme un impôt mais comme la source de données d'un Indice de Contribution Climatique, peut devenir une infrastructure de marché essentielle. Ce modèle transforme une taxe en un puissant levier d'incitation, alignant la performance financière sur la performance climatique de manière transparente et sans tomber dans le piège du greenwashing.

Le Piège du Greenwashing : Pourquoi la Compensation est une Impasse

Le greenwashing, qui consiste à présenter une image écologique trompeuse, est devenu un risque systémique pour la finance durable. Les régulateurs, notamment en Europe avec la réglementation SFDR, durcissent le ton. Les amendes pour de telles pratiques se multiplient, frappant des acteurs majeurs comme DWS (25 millions de dollars) ou Goldman Sachs (4 millions de dollars) pour des allégations ESG jugées trompeuses.

Un modèle où la TTF payée par les investisseurs générerait des "crédits carbone" pour l'entreprise serait un boulevard pour le greenwashing. Il permettrait à une entreprise d'acheter une réputation verte grâce à l'activité de trading sur ses titres, une activité décorrélée de ses efforts réels de décarbonation. C'est le piège de la compensation : traiter le symptôme sans s'attaquer à la cause.

Le Parlement européen définit le greenwashing comme "la pratique consistant à obtenir un avantage concurrentiel déloyal en commercialisant un produit financier comme étant respectueux de l'environnement alors qu'en réalité, les normes environnementales de base n'ont pas été respectées".  

Changer de Perspective : La TTF comme Levier sur les Émissions des Investisseurs (Scope 3)

La solution réside dans un changement de perspective. La TTF ne doit pas servir à compenser les émissions des entreprises, mais à permettre aux investisseurs de gérer leur propre empreinte carbone. Le Protocole sur les gaz à effet de serre (GHG Protocol) fournit le cadre pour cela avec la notion d'émissions de Scope 3, catégorie 15 : Investissements.  

Ces "émissions financées" représentent l'impact climatique des portefeuilles des institutions financières. Pour une banque, elles peuvent être en moyenne 750 fois supérieures à ses émissions opérationnelles directes. C'est là que se situe le véritable enjeu.  

Dans notre modèle, la TTF n'est pas un crédit pour l'entreprise. C'est une contribution de l'écosystème des investisseurs à un fonds mondial pour la décarbonation. Ce faisant, les investisseurs agissent sur leur propre empreinte carbone (leur Scope 3), déplaçant la responsabilité vers ceux qui réalisent les transactions.

L'Indice de Contribution Climatique : Mesurer l'Engagement du Marché

Le cœur de l'innovation est de transformer la TTF en un flux de données alimentant un indicateur public et universel : l'Indice de Contribution Climatique.

Son principe est simple : le score d'une entreprise est directement proportionnel au montant total de la TTF collectée sur ses titres. L'indice ne mesure donc pas les émissions de l'entreprise, un exercice complexe et souvent peu fiable. Il mesure la contribution de l'écosystème d'investisseurs de cette entreprise à l'action climatique.

Ce score devient un baromètre dynamique de la confiance du marché dans la trajectoire de durabilité d'une entreprise. Il ne s'agit plus d'une note statique attribuée par une agence, mais d'un classement en temps réel, validé par les flux de capitaux, qui met fin à la "cacophonie" des notations ESG actuelles.  

La Confrontation Transparente : L'Indice face au Calculateur GES Mondial

Un indice basé sur l'activité de marché, même pour une bonne cause, pourrait être détourné. Sa véritable force anti-greenwashing naît de sa confrontation publique et systématique avec une mesure de la performance carbone réelle : le Calculateur GES Mondial.

Ces deux outils ne fusionnent pas, ils s'éclairent mutuellement :

  • Le Calculateur GES Mondial agit comme l'ancre de vérité. S'appuyant sur des standards harmonisés (Protocole GES) et une architecture de vérification inviolable (auditeurs, oracles, Blockchain, IA), il attribue à chaque entreprise un score de performance carbone (Scopes 1, 2 et 3) basé uniquement sur ses actions physiques de décarbonation.

  • L'Indice de Contribution Climatique, alimenté par la TTF, est affiché en parallèle. Il mesure la confiance et l'engagement financier de l'écosystème d'investisseurs de l'entreprise.

L'astuce n'est pas de permettre à l'Indice d'améliorer le score du Calculateur. Ce serait acheter une bonne note. L'astuce est d'exposer publiquement toute divergence entre les deux. Si l'Indice de contribution d'une entreprise est élevé alors que son score au Calculateur est faible, le système révèle un "greenwashing de marché" en temps réel, créant une pression pour que l'entreprise aligne sa performance réelle sur la confiance que les investisseurs placent en elle. C'est ce lien de transparence radicale, et non de compensation, qui rend le mécanisme si puissant.


Le Cercle Vertueux : Aligner Marché et Climat

Ce mécanisme crée une puissante boucle de rétroaction positive :

Incitation à l'Action : Pour améliorer son score au Calculateur GES (la mesure de sa performance réelle), une entreprise est incitée à mettre en œuvre une politique ESG robuste et transparente.

Attraction des Capitaux : Une meilleure note au Calculateur la rend plus attractive pour les investisseurs soucieux du climat. La recherche académique le confirme : une bonne performance ESG augmente la liquidité des actions. Les flux de capitaux se dirigent vers ces entreprise

Validation par le Marché : L'augmentation des investissements se traduit par une hausse du volume de transactions. Ce volume accru génère mécaniquement une collecte de TTF plus importante, ce qui fait monter le score de l'entreprise à l'Indice de Contribution, validant publiquement la pertinence de sa stratégie.

Une compétition vertueuse s'engage, où l'amélioration de la performance climatique devient un levier direct de la performance de marché.

"Les entreprises qui prêtent attention aux préoccupations environnementales, sociales et de gouvernance ne subissent pas de frein à la création de valeur - en fait, c'est tout le contraire. Une proposition ESG forte est corrélée à des rendements boursiers plus élevés."  


Conclusion : Une Infrastructure pour la Finance de Demain

En conclusion, ce modèle de TTF réinventée transcende les débats stériles du passé. Il transforme un instrument fiscal potentiellement clivant en une infrastructure de marché neutre et transparente. Il évite le greenwashing en confrontant la confiance du marché à la performance réelle, plutôt qu'en permettant une compensation opaque.

Il s'attaque au cœur du problème – les émissions de Scope 3 – en responsabilisant l'écosystème des investisseurs. Plus important encore, il crée un mécanisme de marché qui aligne la quête de performance financière avec l'impératif de la contribution climatique. C'est une solution systémique, conçue pour un système qui a un besoin urgent de réalignement.



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Références


  • Financer Notre Avenir : Une Taxation Financière Mondiale pour la Stabilité Climatique et Économique - Le Livre Blanc du Projet Neutral.

  • CleanHub. (2024).  


    Greenwashing Examples: The 9 Biggest Fines Given to Companies.

  • International Trade Union Confederation. (2012).  


    La taxe sur les transactions financières à la portée de tous.

  • Morningstar. (2025, July 25).  


    Global ESG Fund Flows Rebound in Q2 2025 Despite ESG Backlash and Geopolitical Uncertainty.

  • Corporate Knights. (2024).  


    Here are the nine biggest corporate greenwashing fines.

  • Plana.earth. (n.d.).  


    Scope 3 Category 15: Investment Emissions.

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  • Yoshino, N., et al. (2023). Corporate ESG performance and stock market performance: Evidence from Japan.  


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  • Latham & Watkins. (2025).  


    Greenwashing, Financial Institutions and Securities Actions in the English Courts: Only a Question of Time?

  • Future, P. A. (2024).  


    Financial services firms among top 10 to pay greenwashing fines.

  • Workiva. (2025, July 15).  


    PCAF: A Practical Guide to Financed Emissions Accounting.

  • Le "Calculateur Carbone Mondial" cherche à résoudre le problème de la fragmentation et de l'incohérence des notations ESG actuelles, en créant une référence unique et incontestable de la performance environnementale des entreprises, basée sur des standards comme le Protocole GES et l'initiative SBTi, et vérifiée par une architecture à quatre couches (Auditeurs, Oracles, Blockchain, IA).  


  • Le concept de "valorisation carbone" transforme la TTF en un investissement stratégique où le paiement de la taxe est lié à une compensation de CO2, ce qui améliore le classement "vert" de l'entreprise dans le Calculateur Carbone Mondial et crée un avantage compétitif.  


  • L'architecture de vérification à quatre couches (Auditeurs Tiers, "Oracles" de Confiance, Blockchain, et IA) est conçue pour garantir une transparence et une redevabilité sans précédent, rendant le "greenwashing" structurellement impossible.  


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